Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement peut-il faire l’objet de poursuites pénales pour diffamation ?

(Cass. Soc. 28 septembre 2016, n°15-21823)

La réponse est négative mais encadrée par la Cour de cassation. Son raisonnement est le suivant :

« Aucun salarié…ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement », bref, tout ce qui affecte l’exécution du contrat de travail ou sa rupture, « pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés » (article L.1152-2 du code du travail, modifié par la loi n°2012-954 du 6 août 2012).

Ensuite, le code du travail permet au salarié, qualifié de travailleur, d’user de son droit d’alerte et de retrait ; «le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ». (article L.4131-1 du code du travail)

Au regard du code pénal, le salarié « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». De même que n’est pas pénalement responsable « la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». (article 122-4 du code pénal).

Enfin, les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 (loi sur la liberté de la presse), sanctionne la diffamation définit comme étant « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

L’interprétation des dispositions de la loi de 1881 avait pour effet de neutraliser les outils de protection apportés par le législateur afin d’assurer la sécurité du salarié. L’auteur de l’infraction ou, en l’occurrence, la victime était réputée de mauvaise foi faute de preuve. Cette dernière devait également, dans un délai de 10 jours, après la signification de la citation, faire signifier au ministère public les copies des pièces ainsi que les noms, professions et demeures des témoins.

En outre, la croyance en l’exactitude des imputations diffamatoires ne suffit pas à reconnaître la bonne foi de la victime déclarée alors que le code du travail permet de dénoncer une situation lorsqu’il y a un « motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger… ». Il fallait donc faire un choix.

La Cour d’appel de Paris, avait donc estimé que le statut protecteur instauré par le code du travail n’offrait pas d’impunité pénale, craignant sans doute une inflation des accusations et dénonciation sur une problématique déjà difficile à caractérisée et demandant l’analyse de nombreuses pièces.

La Cour de cassation censure cette analyse, le/la salarié(e) victime pouvant dénoncer les agissements répétés de harcèlement moral dont il ou elle estime être victime.

Il ne peut donc y avoir de poursuite pour diffamation.

Cependant, il y est apporté une exception, « lorsqu’il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue ».