Le 19 février 2025, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes des sociétés NRJ 12 et C8. La Veuve fera son office. Clap de fin le 28 février 2025.
En décembre 2024, les chaînes C8 et NRJ 12 ont déposé un recours devant le Conseil d’État pour contester la décision de l’Arcom, qui avait rejeté leurs candidatures pour l’attribution d’autorisations de diffusion sur la TNT.
Comme vous le savez peut-être, la communication audiovisuelle est libre en France jusqu’à ce qu’elle se heurte rapidement à certaines limites comme le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion. De plus, elle doit tenir compte de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de l’ordre public, des besoins de la défense nationale, des exigences de service public et sans oublier l’éternelle contrainte technique inhérente.
La TNT représente une ressource limitée. Elle est notre avenir. Préservons-là.
L’Arcom veille à ces véritables joyaux de l’humanité, les précieuses ondes hertziennes, dont l’exploitation impose qu’elles soient distribuées avec une parcimonie exemplaire.
« Il y a beaucoup de talents chez C8, que ce soit les animateurs, que ce soit les professionnels et je souhaite vivement qu’ils puissent exercer leurs compétences, mettre à profit leur expertise auprès d’autres chaînes ». Notre ministre étranger aux affaires, qui croise manifestement sur un plateau de télévision ceux qui sont des professionnels et ceux qui ne sont rien, se confessait tout en arborant son lapsus gestuel déconcertant en secouant la tête de gauche à droite. Il y ajoutait : « Maintenant l’Arcom n’a pas fermé C8, l’Arcom a décidé de retirer l’accès à la fréquence de C8, c’est-à-dire l’accès au domaine public hertzien de l’Etat mais en aucun cas de fermer C8, c’est-à-dire d’empêcher notamment les journalistes, les animateurs, les professionnels de C8 de travailler » – Jean-Noël Barrot sur l’émission du Grand Rendez-vous d’Europe 1/Cnews/ Les Echos du 24 février 2025.
Il est vrai qu’ils peuvent traverser la route pavée de bonnes intentions et trouver un emploi au sein du groupe C8.
Avant l’échéance des autorisations antérieures, l’Arcom doit consulter le public et réaliser une étude d’impact pour déterminer si le marché est favorable à un nouvel appel à candidatures.
En l’espèce, l’Arcom a lancé un appel pour l’attribution de quinze autorisations de diffusion sur la TNT.
Le 5 décembre 2024, pourtant présélectionné parmi 15 candidatures, le groupe Canal+ retira les candidatures de ses quatre chaînes payantes. Le 11 décembre 2024, l’Arcom délivra alors onze autorisations sur les 15 prévues et rejeta plusieurs candidatures, dont celles de C8 et NRJ 12.
L’Arcom décida de ne pas augmenter le nombre de chaînes gratuites malgré le retrait des chaînes payantes de Canal+, invoquant la stagnation du marché publicitaire de la TNT, la baisse des audiences due à l’évolution des habitudes de consommation et la situation financière fragile de certaines chaînes.
En d’autres termes, la TNT est vouée à disparaître face aux assauts des plateformes de streaming qui captent l’attention de la nouvelle génération appelée à dégager les précédentes, mais également face au développement des réseaux sociaux, à la consommation des contenus à la demande plutôt que des programmes linéaires à horaires fixes, à la fragmentation de l’audience…
C’est donc dans un souci de fournir un grand service que l’Arcom décida de ne pas renouveler les autorisations de C8 et NRJ 12. « L’Autorité doit veiller à ce qu’une diversification suffisante des opérateurs et le jeu normal de la concurrence permettent, en préservant notamment un accès équilibré de tous les opérateurs à la ressource publicitaire et aux marchés des droits, que l’objectif fondamental de pluralisme et l’intérêt du public soient respectés, notamment en prenant en considération l’intérêt que peut présenter l’arrivée de nouveaux entrants ». D’une limpidité rassurante. L’autorité est le pouvoir de commander, tout simplement.
Concernant NRJ 12, la chaîne propose une programmation centrée sur le divertissement et l’humour. Sa candidature prévoit principalement la diffusion de fictions et divertissements, genres déjà très représentés sur la TNT. En outre, les rediffusions de séries anciennes sont trop importantes. La chaîne consacre également 30% de sa programmation sur le téléachat, la publicité et l’autopromotion.
Or, ses engagements pour des programmes inédits sont inférieurs à ceux d’autres chaînes retenues. Malgré ses prévisions optimistes, la chaîne n’a été rentable que lors d’un seul exercice depuis sa création et connaît un déclin d’audience.
Quant à C8, la chaîne se distinguait certes par un volume important de programmes inédits et d’émissions en direct et bénéficiait d’une part d’audience élevée sur la TNT. Cependant, ses programmes ont été jugés peu diversifiés par rapport à d’autres candidatures.
Surtout, la chaîne a fait l’objet de nombreuses sanctions financières et mises en demeure pour des manquements à ses obligations légales.
Les mesures annoncées pour améliorer la maîtrise de l’antenne ont été jugées insuffisantes voire même non mises en œuvre.
Et enfin, la chaîne présente un déficit chronique et significatif depuis sa création.
Le Conseil d’État a donc conclu que l’Arcom a légalement pu estimer que les candidatures de C8 et NRJ 12 étaient moins pertinentes que les onze autres projets retenus (notamment CMI TV, OFTV, TFX, TMC et W9) pour contribuer au pluralisme des courants d’expression socio-culturels et répondre à l’intérêt du public.
Néanmoins, l’Autorité devra lancer sans délai une nouvelle consultation pour décider si la situation économique permet d’attribuer les quatre autorisations laissées vacantes par Canal+.
Et voilà comment s’achève la cérémonie des fréquences hertziennes devant une salle désertée, les spectateurs étant partis pour Netflix, Amazone prime ou encore Disney +. Le Conseil d’Etat, dans sa grande sagesse, a simplement confirmé que parfois, il faut savoir dire que « la nuit la plus sombre a toujours une fin lumineuse » – Winston Churchill – Discours du 10 novembre 1942.
Richard Wetzel, Avocat