Faut-il poursuivre le travail ? Notre activité est-elle essentielle à l’effort de guerre ?

Madame Murielle Penicaud, Ministre du Travail, dénonce le manque de civisme des sociétés du bâtiment ayant recours à l’activité partielle. Pourtant, les particuliers reportent leurs chantiers, les fournisseurs sont impactés et perturbent les approvisionnements, le maître d’ouvrage suspend les travaux s’il n’a pas tout simplement déserté les lieux. Les policiers harcèlent les salariés souhaitant se rendre au travail, lesquels s’interrogent légitimement sur les réels risques qu’ils prennent pour eux et les leurs.

L’actualité monopolisée. Les rues désertes.

Nous puisons dans nos souvenirs, dans nos peurs ancestrales. Repensons à ce professeur d’histoire qui racontait, un mois de décembre 1347, que des navires génois venus d’Orient accostèrent à Marseille et livrèrent la Peste noire faisant plus de 25 millions de victimes dans toute l’Europe. Heureusement que Philippe VI avait négocié avec les anglais, trois mois plus tôt, l’arrêt des hostilités pendant la Guerre de Cent Ans.

Nous nous rappelons de la grippe espagnole de 1918 et de la grippe asiatique de 1956 à 1958.

Ces souvenirs ne rassurent nullement.

La question sensible du droit de retrait est récurrente face au Covid-19. Elle est sur toutes les chaînes et dans tous les journaux. Une question aussi sensible que celle du report du match Lyon – Juventus du 26 février 2020 ou de l’annulation du 1er tour des élections municipales en France.

La désobéissance de la norme n’est pas évidente puisque nous nous y conformons, tout simplement. Notre discernement est mis à rude épreuve.

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et la protection de la santé de son personnel.

Le Covid-19 pourrait se maintenir plusieurs heures voire plusieurs jours en fonction du support infecté. Quels sont les aménagements à prendre afin d’adapter l’activité professionnelle alors même que nos connaissances sur les risques évoluent de jour en jour ?

Dans cette crise, un message clair transperce : Restez chez vous ! Télétravaillez !

Le télétravail est un facteur aggravant de l’isolement social. A l’évidence c’est une mesure de distanciation sociale.

Si vous deviez être sur une île déserte, que prendriez-vous ? Des rouleaux de papier toilette ? Vraiment ?

Nos priorités sont bouleversées. « Nous sommes en guerre ».

Face à l’invisible et l’imaginaire, l’entreprise doit alors rassurer en évaluant les risques, en prenant les mesures nécessaires afin de les limiter (équipements de protection individuel, gel hydroalcoolique, accès à un point d’eau et du savon, faire respecter les gestes barrières…).

A défaut, le salarié pourrait exercer son droit de retrait (L.4131-1 du Code du travail). Il doit alors nécessairement alerter son employeur de l’existence d’un risque de nature à mettre en danger sa vie ou sa santé. Enfin, autre critère important, le salarié doit avoir un motif raisonnable (sans ironie, ndlr) de penser qu’il y avait danger.

Si tous les critères sont réunis, le salarié est protégé, non pas du virus, mais de l’employeur qui ne pourra pas lui imposer de revenir travailler. Attention toutefois, l’exercice de ce droit de retrait ne doit pas entraîner une nouvelle situation de danger grave et immédiat pour autrui (L.4132-1 du Code du travail).

En revanche, si l’employeur a pris toutes les mesures afin d’adapter le travail et faire respecter toutes les consignes sanitaires martelées par les autorités, le salarié commet une faute susceptible de conduire à son licenciement. Dans ces conditions, le salarié demandera sans doute qu’on l’épargne du supplice du préavis.

Il appartiendra enfin au juge de statuer, d’une part, sur la légitimité du comportement du salarié et, d’autre part, sur la proportionnalité de la sanction. Le raisonnement juridique peut être mal compris.

Lorsqu’il est question d’une pandémie planétaire, ce n’est pas l’admiration pour la loi ou la reconnaissance sociale de la respecter que l’on recherche. La seule certitude, le juge aura ce lourd travail de rétablir l’ordre social.

Richard Wetzel, Avocat Associé